Il y a de ces matinées où chaque seconde, chaque instant, chaque minute, semble avoir pour seul but de vous pourrir la vie. En se réveillant se matin là, un rayon de soleil sur le nez, Zhoë savait que c'était une de ces journée là. Dans un geste de rage elle avait renversé son oreiller sur sa tête, espérant ainsi éviter l'amant de la lune qui venait la chatouiller. Les restes flous d'une soirée légèrement arrosée s'attardaient encore dans son esprit, des images éparses et sans le moindre sens qui s'emmêlaient dans un large maelstrom de pensées incongrues. Elle n'avait pourtant pas l'habitude de se laisser aller à ce genre d'excès et l'entreprise familiale elle évitait d'en être cliente, pourtant le mal de crâne qui lui vrillait les tempes et les gargouillis inaudibles de son estomac lui indiquait qu'elle avait fini par faire tourner le commerce des Tannèn. Zhoë se remua alors, balança son oreiller contre la porte et se leva tout en ronchonnant. Les chiffres lumineux de son réveil indiquait une heure bien trop matinale pour ouvrir les yeux, malheureusement l'astre solaire en avait décidé tout autrement.

Les ennuis auraient probablement pu s'arrêter à une mauvaise gueule de bois, un souvenir d'un désir violent d'oublier. Zhoë rejoignit la salle de bain en traînant les pieds, elle avait ce doute qui ne cessait de revenir l'habiter sur son comportement de la veille, elle se souvenait du bar, des verres et d'un jeune homme assis au fond de la salle. Il avait un sourire, comment dire, d'enfer, et des yeux plus bleus que la Terre qu'on leur racontait, ce garçon revenait, disparaissait dans les flashs que son cerveau voulait bien lui envoyer. En se regardant dans le miroir la jeune Tannèn sursauta, ses cheveux étaient tout emmêlés en une épaisse boule rousse informe, de longues traces de maquillages s'étalaient sous ses yeux et en ouvrant la bouche, son haleine la fit presque défaillir.

« - Encore une journée qui commence bien, marmonna-t-elle devant son miroir. »

Une fois la douche achevée, le petit orteil savamment abîmé  et les cheveux recoiffés, Zhoë se décida à quitter sa demeure. Le soleil était haut dans le ciel, une belle journée à l'horizon, les oiseaux ne chantaient pas certes, mais les passants semblaient de bonne humeur et quelques sourires s'affichaient sur les lèvres de personnes aux regards satisfaits. Zhoë n'avait pas envie de sourire, son emploi du temps et son existence semblait en ce jour vide de sens, elle cherchait encore un peu sa voie, enchaînait les petits boulots dans l'espoir d'avoir une véritable révélation. Quand elle regardait les remparts entourant Illyria elle rêvait de cette extérieure qu'elle avait déjà tant de fois arpenté, elle voulait y retourner et oublier ce train train quotidien qu'elle trouvait de plus en plus ennuyeux. Perdue dans ses pensées, elle ne fit pas attention au poteau qui se présentait devant et un brouhaha sans nom elle se retrouva les fesses au sol, le crâne endommagé et avec un mal de tête trois fois empiré. Il existe bien de ces matinées là où notre lit est notre meilleur ami.

Le bar familial, son enseigne dominait la devanture du bâtiment et sa promesse de loisir et de divertissement semblait émaner avec virulence de l'endroit. Elle poussa la porte et profita de la semi-pénombre bienfaisante, il fallait qu'elle sache ce qui c'était passé, mais avant elle voulait réfléchir. Zhoë s'approcha du bar, réclama dans un ton un peu sec un whisky, soignons le mal par mal, avant d'aller s'asseoir à une table au centre de la pièce. Son verre dans la main, son esprit bloqué la veille, elle ne remarqua pas la porte qui s'ouvrait, elle ne fit pas attention à cette autre cliente qui venait comme par hasard, ce matin là, au cœur de l'entreprise familiale.

BY .TITANIUMWAY